Le Bateau Négrier
OUIDAH, EMBARQUER VERS LA MÉMOIRE
Il ne voguera pas, mais il fera voyager
Le projet, baptisé « Bateau du Départ », n’a pas
vocation à sillonner les mers. Sa mission est bien plus
profonde : permettre aux générations actuelles et
futures de ressentir ce que fut la traversée négrière.
Construit à taille réelle, ce trois-mâts de 42 mètres de
long et 9 mètres de large reprend fidèlement
l’architecture de l’Aurore, un navire emblématique
de la traite transatlantique.
Les matériaux ont été choisis avec soin : mâts en pin
d’Oregon, hunes en iroko, cordages robustes,
chaînes de haubans et ferrures en inox. Une
construction moderne au service d’une mémoire
ancienne, où chaque détail est pensé pour restituer
les conditions de vie à bord.
Un horizon où la mémoire prend forme
Sur la côte béninoise, face à l’Atlantique, les plages
de Ouidah sont baignées de lumière. Le vent y charrie à
la fois l’odeur du sel, les échos des cérémonies vodun
et le bruit régulier des vagues. Mais pour qui sait
écouter, ce rivage murmure aussi une histoire
universelle : celle de la traite négrière, qui, du XVIIᵉ au
XIXᵉ siècle, a arraché des millions d’hommes, de
femmes et d’enfants à leurs terres africaines pour les
disperser aux Amériques.
C’est ici, au point de départ de tant de destins brisés,
qu’un projet d’une rare puissance symbolique prend
vie : la construction d’un navire-mémoire, réplique
d’un bateau négrier du XVIIIᵉ siècle, appelé à devenir
l’un des pôles majeurs du tourisme mémoriel mondial.
L’expérience sensorielle d’une traversée immobile
À bord, les visiteurs ne seront pas de simples
spectateurs. Ils deviendront des passagers de la
mémoire.
Les cales : sombres, étroites, étouffantes, elles
rappelleront l’espace où des centaines de captifs
étaient entassés, enchaînés, privés d’air et de
dignité.
L’entrepont : conçu comme un espace
d’immersion, il permettra de comprendre
l’économie macabre de la traite, entre cargaisons
de denrées et vies humaines traitées comme
marchandises.
Le pont supérieur : baigné de lumière, il offrira
une respiration, un regard vers l’horizon
atlantique. ce même horizon qui représentait
autrefois l’inconnu, l’arrachement, l’espoir ou la
fin.
Les visiteurs pourront ressentir la rudesse des
planches sous leurs pieds, l’écho du bois qui craque,
les jeux de lumière filtrant par les interstices, et
même, grâce à une scénographie immersive, les
bruits de chaînes, les gémissements, les chants
étouffés. Ce n’est pas une exposition : c’est une
expérience.
Une ouverture sur le monde et l’avenir
Le Bateau du Départ n’est pas qu’un mémorial béninois. Il est pensé comme un lieu de rencontre internationale. Des chercheurs, des étudiants, des artistes du monde entier y seront invités pour des expositions, des conférences, des créations. Le navire deviendra un laboratoire de mémoire vivante, où les voix de l’Afrique, des Amériques, des Caraïbes et de l’Europe se croiseront. Dans un monde où la mémoire de l’esclavage reste encore méconnue ou minimisée, Ouidah prend ainsi une responsabilité : transformer une douleur en héritage, un passé en avenir partagé.